La pornographie assumée émancipe plus qu’elle n’isole

Qu'est que la pornographie ?

Dans « L’œuvre d’art à l’ère de sa pornographie » Hervé Aubron écrit :

« Il serait temps de distinguer la pornographie et le porno, tant ces deux termes ne se situent plus vraiment sur le même plan. Pendant longtemps, il n’y eut certes que la pornographie, empire des confins, narco-État produisant et diffusant avec discrétion son opium licencieux. Mais le porno est désormais parfaitement à disposition, circulant en permanence dans les murs et dans les airs – une source d’énergie (c’est-à-dire aussi de dépense) comme l’électricité ou l’eau courante .

Formidable pharmakon, qui peut être poison et remède : simultanément un instrument de contrôle social (un anesthésiant puissant, perpétuant d’autre part les plus restrictives normes sexuelles et physiques) et un terrain d’expérimentations hors de tout cadastre, une fabrique d’asservissement et d’affranchissement, d’abattage et de jeu, de brutalité et de désir. Il peut s’y perpétrer le pire, il peut aussi s’y inventer du neuf. Laissons faire les spécialistes, à défaut de mettre la main à la pâte.

La pornographie, c’est autre chose. Elle n’est pas une matière, une spécialité ou un genre, c’est une zone ou plutôt une ligne qui se déplace en permanence. Évidemment, le porno en est comme l’oriflamme, mais il ne saurait l’épuiser, car la pornographie n’est pas exclusivement spectacle de la sexualité. Elle est commerce ou sociabilité de l’inéchangeable, de l’obscène, ce qui est certes le plus souvent littéralement sexuel, mais pas exclusivement. Elle n’est pas uniquement un symptôme des normes sexuelles et sociales du moment : elle est une ligne fatidique dans le partage du sensible, pour reprendre la belle expression de Jacques Rancière, elle est comme l’envers ou le revers de cette curieuse discipline qui se nomma esthétique.

Pour s’amuser, on pourrait dire que l’esthétique est fille de pute. Elle est tout au moins sœur de pute, soit sœur de pornê en grec. C’est ce que suggérait Freud, dans l’une de ses rares thèses générales sur l’art et le beau : « Une utilité de la beauté n’est pas évidente, sa nécessité culturelle n’est pas discernable, et pourtant on ne pourrait s’en passer dans la civilisation. La science de l’esthétique étudie les conditions pour que le beau soit ressenti : sur la nature et l’origine de la beauté, elle n’a pas su donner d’éclaircissement ; comme d’habitude, cet échec est habillé d’une profusion de discours retentissants et creux. Hélas, la psychanalyse non plus n’a rien à dire de la beauté.

Seul paraît assuré qu’elle découle du domaine des sensations sexuelles ; ce serait là un exemple, à valeur de modèle, d’une émotion détournée de son but par blocage. La “beauté” et le “charme” sont à l’origine des qualités de l’objet sexuel. Il est remarquable que les organes génitaux eux-mêmes, dont la vue provoque toujours une excitation, ne soient pourtant jamais presque jugés beaux, alors que le caractère de beauté paraît attaché à certains caractères sexuels secondaires. »

L’esthétique comme caractère sexuel secondaire devenu cache-sexe : la proposition demeure sidérante. Si on la suit, l’esthétique est réduite à une opération cosmétique détournant à son profit des appétits qu’elle enterre dans le même temps, ou qu’elle maquille : les esthéticiennes des instituts de beauté seraient ainsi parfaitement nommées. Dès lors, la pornographie ne constitue plus un à-côté pulsionnel, mais cela même qui fonde l’esthétique, ce qui lui permet de se définir par antithèse. Ce qui est beau n’est pas ce qui excite, ce qui est esthétique est ce qui n’est pas pornographique, et vice versa.

Les deux termes paraissent structurellement liés, sur le mode d’un subliminal traité de Yalta, au milieu du xviiie siècle : Baumgarten forge le terme d’esthétique en 1750, et Restif de La Bretonne revitalise le vocable ancien de pornographe en 1769. Ce partage signe sans doute le déclin, et ce n’est en rien accessoire, de la pratique du carnaval : or, celui-ci fut l’expression d’une sorte de pornographie publique et collective – ne serait-ce qu’un jour par an, il consistait à débrider, à travestir aussi ou à contrefaire les corps, remettant en cause les positions sociales, les identités sexuelles ou la hiérarchie des organes. La pornographie est, dans l’absolu, l’un des seuls carnavals qui nous reste.

 

L’article complet est disponible au lien suivant :  « L’oeuvre d’art à l’ère de sa pornographie »

How to watch porn ?

Lustery.com est une plateforme de diffusion de films pornographiques réalisés par des amateurs. 

Cette plateforme a réalisé un excellent tutoriel en anglais uniquement pour comprendre sans jugement la pornographie dans son contexte actuel.

Différents intervenants présentent les multiples aspects de ce mode de divertissement pour adultes

Voici le lien vers la présentation générale de la série de sujets. « How to watch porn – overview »

Les risques liés à la consommation de pornographie

De nombreux consommateurs de porno utilisent la pornographie comme technique d’auto-apaisement lorsqu’ils se sentent seuls ou déprimés, mais les recherches suggèrent que la pornographie peut en fait alimenter les problèmes de santé mentale, plutôt que de les aider.

L’auteur et activiste Naomi Wolf a voyagé partout aux États-Unis, discutant avec des étudiants sur les relations.

« Quand je pose des questions sur la solitude, un silence profond et triste s’abat sur un public de jeunes hommes et de jeunes femmes », dit-elle. «Ils savent qu’ils sont seuls ensemble… et que le porno est une grande partie la cause de cette solitude. Ce qu’ils ne savent pas, c’est comment sortir. »

Mais qu’est-ce que le porno a à voir avec la solitude ?

Le Dr Gary Brooks, un psychologue qui a travaillé avec des personnes aux prises avec des habitudes de pornographie non désirées au cours des dernières années, explique que «Chaque fois qu'[une personne] passe beaucoup de temps avec le cycle d’utilisation habituel de la pornographie, cela ne peut s’empêcher d’être un une expérience déprimante, dégradante, dégoûtante de soi. »

Plus les gens se sentent mal dans leur peau, plus ils recherchent du réconfort là où ils peuvent en trouver. Normalement, ils pourraient compter sur les personnes les plus proches d’eux pour les aider à traverser leurs moments difficiles – un partenaire, un ami ou un membre de la famille.

Mais de nombreux consommateurs de porno ne sont pas vraiment ravis de parler à qui que ce soit de leurs habitudes en matière de porno, et encore moins avec leur partenaire. Ils se tournent donc vers la source de «confort» la plus simple disponible: plus de porno.

Alors que certains consommateurs de porno se retrouvent plus loin dans ce cycle, une habitude pornographique isolante peut les amener à ne pas interagir avec des amis, à participer à des loisirs sociaux ou à se connecter avec les personnes de leur vie.

La pornographie émancipe quand elle n'est pas stigmatisée

Il est ridicule de prétendre que la consommation de pornographie est la seule cause de la sensation d’isolement ressentie dans une partie grandisssante de la population ayant accès à Internet, tous âges confondus.

La fascination pour les réseaux sociaux conduit à un désinvestissement attentionel et émotionnel vis-à-vis de la vie concrète. La consommation pornographique absorbe certe une partie de cette attention mais c’est une petite fraction du temps passé en ligne par une frange de plus en plus grande de la population.

Les épisodes de confinement liée à la pandémie COVID ont ouvert une voie royale à la satisfaction virtuelle au dépend des interactions humaines en présentiel. La pornographie n’est en rien la cause de cette évolution dans les modes de communications et d’interactions. 

Si les préférences en matière de pornographie étaient aussi facile à discuter que les arbitrages durant la coupe du monde de football, elles ne seraient pas un facteur de sentiment d’isolement. Personellement, je ne ressents aucun attrait pour le spectacle globalisé de la coupe du monde de football et c’est cette dérive attentionnelle à l’échelle planétaire qui m’isole et m’exclut bien plus que ma fascination pour la pornographie.

Je recommande chaudement de prendre le temps d’écouter Cindy Gallop qui est très présente sur YouTube et qui parle d’une « social sex revolution »  

Cette « révolution » consiste à proposer à des individus sans discrimination d’âge, sexe, orientation, statut….de montrer leurs pratiques sexuelles sur la plateforme MakeLoveNotPorn.tv à la quelle je participe aussi. Pour ces humains sans complexe la mise en image et le partage de leurs activités sexuelles est devenue aussi évidente et gratifiante que le reste des partages (souvent très banaux et médiocres) qui encombrent les serveurs permettant aux réseaux sociaux de fontionner.